Thibaut Démare

Who watches the Watchmen ?

Je crois que c’est la première fois que je passe ma note de 6 à 9 sur un film après un deuxième visionnage…

Pour la petite histoire, j’avais vu ce film la première fois à peu près au moment de sa sortie DVD. Il avait déjà été encensé par les critiques et j’avais de grosses attentes. Malheureusement, je l’avais trouvé super chiant, confus dans son déroulé et bien trop contemplatif par moment. Je ne saurais pas dire si je l’avais vu dans de très mauvaises conditions ou si j’avais juste des goûts de merde à l’époque mais je ne comprend vraiment pas que je ne l’ai pas apprécié d’avantage à l’époque. Bref, j’ai profité de sa diffusion sur Netflix pour le revoir et pour essayer de mieux comprendre pourquoi je ne l’appréciais pas plus que ça alors que mes éclaireurs le notent aussi bien.

Et ô surprise, je l’ai adoré :-)

Visuellement, tout le monde sera d’accord là dessus, c’est magnifique. Le travail sur la photographie et sur les couleurs est tout simplement exceptionnel. Les côtés sombres du film contrastent très bien avec certaines couleurs flashy, notamment du Dr Manhattan ou de Silk Spectre. Certains plans en deviennent iconique par leur simple beauté, à l’image des cases d’un comics. Mais bien sûr, Snyder tire aussi profit de son média et gère habillement les mouvements, de ses acteurs, d’une part, mais aussi des caméras. Il use des CGI pour réaliser des mouvements de caméra impossible sans cela, ainsi que pour effectuer des ralentis qui mettront en avant l’action. Et heureusement, Snyder n’abuse pas encore de ces procédés qu’il semble adopter de plus en plus dans ses films les plus récents.

Les décors ont également été bien pensé, et cela même jusqu’au moindre détail (comme par exemple l’utilisation de tubes Nixie dans une scène, tellement peu courant d’habitude). Les effets spéciaux ne sont pas en reste non plus. Ça a certes un peu vieilli par instant mais globalement, ça reste largement au niveau (y compris de films récents, n’est-ce pas “Justice League”?).

Le visuel maîtrisé de Zack Snyder n’épargne pas pour autant ses spectateurs lors de certaines scènes violentes (voir très violentes) qui contribuent à dégager une ambiance certaine à ce film, définitivement noir.

Sur le fond, on est également face à du très bon. Vous me direz, partant d'un des meilleurs comics d'Alan Moore, l'inverse aurait été surprenant. Le récit fait déjà preuve d'originalité. Loin des classiques scénarios de super-héros, là l'histoire nous révèle un monde uchronique dans lequel le rôle des super-héros dans la société est remis en question. On découvre que les supers sont apparus au milieu du XXème siècle et ont servi les intérêts de la puissance américaine, notamment pour gagner la guerre du Vietnam. Leur pouvoir et leur indépendance a ensuite été remis en cause, notamment lors d'émeutes assez violentes, forçant Nixon (président très apprécié dans cet univers) à contraindre les héros à une retraite anticipée. Seul le Dr Manhattan, le seul héros avec de véritables pouvoirs, continuera de servir le pouvoir politique en place en tant qu'arme de dissuasion. En effet, il sera l'argument principal pour empêcher l'URSS et les États-Unis de se lancer dans une guerre auto destructrice. Ce Dr Manhattan est un super héros aux pouvoirs incommensurables qui est déifié par un grand nombre d'humains "normaux". Mais à l'image du Dark Knight de Nolan, il devra pourtant sacrifié son image pour garantir la paix à la fin du film.

Spoiler

Les autres personnages sont tout aussi intéressants avec des background assez profond (certains diront sombre) : Rorschach, fils non désiré d'une prostitué, ou Silk Spectre 2, fille du violeur de sa mère. On est loin des films Marvel avec des personnages manichéens. Ici les personnages subissent un développement riche. Rorschach se montre associable et particulièrement agressif, mais en même temps il saura émouvoir à l'occasion le spectateur comme lorsqu'il préférera mourir plutôt que de cacher la vérité au monde. Le Comédien est présenté comme faisant partie des "gentils", pourtant, il a violé Silk Spectre, a effectué des assassinats pour le compte du gouvernement américain, a tué froidement une vietnamienne qui portait son enfant,... Mais il semble également ne pas apprécier sa vie et ses actes. Il est même tellement bourré de remords qu'il ira se confesser auprès de son ennemie juré peu avant sa propre mort.

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Parmi les thèmes abordés, on retrouve une critique des superpuissances (on peut même y voir une critique du fascisme), ou l’épineuse question “qui gardera les gardes?”. Mon but ici n’est pas de vous faire une analyse complète de ces thèmes, mais nul doute que cela contribue grandement à l’intelligence du film et à son caractère unique dans le paysage des films de super-héros.

Pour conclure, Snyder signe ici avec Watchmen un film noir et original en comparaison aux autres films de super-héros. Le réalisateur a su maîtrisé son œuvre tant sur le plan visuel que sur la narration. C’est un film qui ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles en proposant plusieurs niveaux de lecture grâce à un script intelligent. Pourtant, malgré une telle réussite artistique, il est vraiment dommage que le succès au box office n’ait pas été au rendez-vous à l’époque car les films DC auraient vraiment gagné à ressembler d’avantage à celui-ci plutôt qu’à essayer de ressembler toujours plus aux nombreux Marvel.

Publié initialement sur SensCritique le .